Maguerite Porete : une voix mystique brûlée mais non réduite au silence
- lesplumesdupasse
- il y a 1 jour
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J’ai découvert Marguerite Porete un peu par hasard, à la médiathèque de mon village. En feuilletant les rayons, je suis tombée sur un ouvrage qui m’a intriguée : Le Miroir des âmes simples. Un roman exigeant, parfois déroutant, mais profondément fascinant. Il parle d’amour divin, de l’âme, de la perte de soi en Dieu. Ce fut une lecture intéressante et j’ai voulu en savoir plus sur cette autrice mystérieuse.

Marguerite Porete ou Porrette était une femme de lettres et une mystique chrétienne du courant des béguines, un mouvement spirituel féminin très actif en Flandres au Moyen Âge. Ces femmes pieuses vivaient en communauté sans prononcer de vœux religieux officiels, consacrant leur vie à Dieu et aux bonnes œuvres. Parmi elles, on compte aussi Hadewijch d’Anvers et Heilwige Bloemart.
Marguerite exprime son expérience mystique dans un livre écrit en langue d’oïl, le français du nord de l’époque :Le Mirouer des simples âmes anienties et qui seulement demourent en vouloir et désir d’amour.
C’est une œuvre allégorique et poétique, où se rencontrent des figures comme l’Amour et la Raison, dans un dialogue sur la relation entre l’âme et Dieu. Le message est radical : l’âme totalement unie à Dieu n’a plus besoin d’intermédiaires, ni de règles. Cela remet en question l’autorité de l’Église, les sacrements et même la morale chrétienne traditionnelle.
Le livre a vite été perçu comme dangereux. Une première condamnation fut prononcée par Gui de Colle Medio, évêque de Cambrai, qui fit brûler un exemplaire en le déclarant hérétique. Marguerite, pourtant, ne renonça pas : elle continua à faire circuler son livre. Finalement, elle fut dénoncée par l’évêque de Châlons à l’inquisiteur du royaume de France, Guillaume de Paris, dominicain et grand théologien.
Un procès complexe fut mené. Deux commissions, l’une de théologiens, l’autre de canonistes, examinèrent le contenu du livre et le comportement de Marguerite, qui fut jugée relapse, c’est-à-dire récidiviste, pour ne pas avoir respecté la première interdiction.
La sentence fut terrible pour Marguerite Porete, elle fut brûlée vive à Paris en 1310, sur la place publique de Grève. Un chroniqueur des Grandes Chroniques de France rapporte :
Le lundi ensuivant, fut brûlée, au lieu devant dit, une béguine clergesse nommée Marguerite la Porete, qui avait trespassé et transcendé l’écriture divine […], et pour cela, condamnée par des maîtres experts en théologie.
En 1312, deux ans plus tard le concile de Vienne condamna l'hérésie du Libre Esprit dont Marguerite fut perçue comme une figure emblématique.
Mais malgré la censure et les flammes, son livre a survécu. Il a été traduit en latin Speculum simplicium animarum en moyen anglais. La version française que nous connaissons aujourd’hui date du XVe siècle et modernise le texte d’origine.
Découvrir Marguerite Porete, c’est rencontrer une pensée mystique puissante, libre, audacieuse, portée par une femme qui n’a pas plié face aux menaces. C’est aussi une invitation à réfléchir à la place du silence, de l’amour, du détachement dans notre rapport au divin ou à nous-mêmes.
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